La promesse de Rionnard

Lawilha continua à s'éloigner du groupe. Ses pieds foulaient l'herbe sans faire le moindre bruit. Elle sentit derrière elle la présence de Dorian. Il la suivait comme convenu. Elle traversa un sentier et s'éloigna pour se perdre dans les arbres. Le vent se leva. Il fit tourbillonner sa robe. Lawilha commença à se transformer. Son armure étincelante apparut sur son dos moulands sa gracieuse silhouette. Des gants de cuir noirs lui recouvrirent les mains. Ses deux ailes apparurent. Elle savait qu'elle n'avait plus à se cacher devant lui. Elle sentait la force de Rionnard habiter Dorian. Son masque lui recouvrit le visage. Ses yeux devinrent dorés et argentés à la fois. Ses armes apparurent à leur tour. Son arc dans son dos, son épée magique à ses côtés, et une petite pierre noire en forme de lune apparut sur son front. Sa transformation achevée, elle se tourna vers Dorian,... ou plutôt:

-Bonsoir, Eharial.

Le jeune elfe ria doucement, son rire se confondit avec le vent qui bruissait dans les feuilles. Eharial. Ce devait être la seule chose qu'elle devait savoir. Pour une fois, quelqu'un était un mistére.
Il ne s'approcha pas d'elle et s'appuya nonchalament contre un arbre. Un geste sec de la tête écarta ses méches, le vent les ramena sur son front. Il croisa les bras et plia une jambe pour appuyer son pied contre le tronc épais de l'arbre.

-Alors, surprise?

Rionnard lui avait dit ce que Lawilha savait à son sujet: que Rionnard ferait de lui un guerrier. Mais il n'avait pas précisé comment, ni quand. Et en aucun cas il avait été sous-entendu qu'il deviendrait un homme si vite.

Lawilha sourit au jeune homme qui se tenait devant elle. Déployant ses longues ailes noires, elle s'envola pour se poser sur une branche juste au dessus de lui. Le vent s'était levé. Les feuilles de l'arbre chantaient en suivant le parcours de l'air. Tout était calme autour d'eux. Lawilha secoua la tête, puis prit la parole:

-Surprise?... Oui, j'imagine. Rionnard m'avait donné sa parole mais je ne m'attendais pas à ce qu'il la respecte de cette manière. Il n'a pas fait les choses à moitié. Tu n'es plus Dorian, tu es un héros myhique: Eharial.

Il ria une seconde fois. Rionnard n'avait pas eut grand chose à faire au fond, si ce n'était de l'emmener "là-bas". C'était la seule chose d'ailleurs que le vieil homme ait fait. Le reste était venu de soi-même.

-Dorian. Tu ne peux pas imaginer tout ce qui nous sépare lui et moi maintenant. A cette heure il doit être entrain d'échanger ton épée contre un jeune étalon.

Un étalon de deux ans, beige, presque jaune. Il s'en souvenait particulièrement de cette couleur. Il avait dû l'abandonner pour gravire cette montagne, trouver Rionnard.
Il ferma les yeux et inspira profondément. Les odeurs lui semblaient presque nouvelles. Il souria.

-Pour ce qui est du héros mytique, je te raconterais tout un jour. Mais pour l'instant, c'est toi qui dois parler.

Il rouvrit les yeux et se hissa souplement dans l'arbre, jusqu'à ce qu'il soit assit sur la même branche que l'ange, ses jambes pendant dans le vide alors que ses yeux sondaient le ciel, les étoiles se reflétant dans son regard noir.

Lawilha ne change pas de place. Elle était bien sur cette branche. Le jour commençait à baisser allongeant les ombres des arbres. Le soleil tentait de transpercer les arbres de ses derniers rayons. Ce lieu perdu commençait à se revétir d'une allure fantomatique et irréelle, iradiante de beauté et de mystère. Puis elle se plaça face à Eharial, planta son regad dans le sien comme un poignard. Dorian était devenu un jeune homme plein de mystères. Quand Lawilha pensait qu'elle l'avait formé durant trois ans... Cela lui paraissait incroyable. Elle écarta une mèche noire de son visage mat et dit à Eharial:

-Pose moi tes questions? Mais je ne te garantis pas que j'y répondrai. Tu t'en doutes. Tous comme toi, j'ai des secrets que je ne veux dévoiler à personne.

Elle redressa fièrement la tête, attendant les questions que Eharial désirait lui poser. Un rayon de soleil travers le feuillage épais pendant quelques secondes, illuminant son visage.

Eharial fixa le soleil en plissant les yeux. Il s'attendait à éprouver autre chose en revenant ici. Il aurait du ressentir quoi, une joie immense? Un sentiment de bien être? Il posa son regard sur Lawilha. Les anges déchues étaient des créatures plutôt étranges quand on ne les connaissait pas. Et pourtant, il suffisait de percer un de leur secret et d'en avoir pour eux pour qu'ils deviennent humains.
Il se laissa tomber dans le vide, se rattrappant des deux maisn à la branche, laissant son corps s'étirer dans le vide.

-Je ne te poserai pas plus d'une question. Qu'espérais-tu en m'entrainant?

Il leva vers elle ses yeux noirs, sans colère ni violence. Il se rendait compte qu'il avait vraiment changé. Dorian aurait hurlé de rage, pleuré... oui, Dorian n'existait plus que dans une petite partie de sa mémoire.

Lawilha sourit au jeune homme. Elle s'attendait à cette question. Depuis longtemps. Elle l'attendait depuis sa converstion avec Rionnard où celui-ci avait décidé de mourir par sa main pour faire renaître un héros de légende: Eharial. On disait beaûcoup de choses sur cet elfe guerrier, au courage et au savoir immense. Mais la plupart étaient fausses. Maintenant, après plus de 100 ans, ce guerrier sans égal revenait enfin. Et Lawilha se tenait devant lui. Elle ne savait si elle devait dire la vérité ou mentir. Elle étira ses longues jambes fines.

-J'espérai pouvoir dire la vérité à Dorian pour qu'il entreprenne un voyage sur la tombe de Rionnard et devienne ainsi Eharial...

Elle s'allongea sur le ventre, la tête à côté des mains de Dorian.

-Comme tu le vois, il s'est passé ce que j'avais prévu... Même si je dois avouer que ta transformation a été un peu radicale. Le vieux maître s'est surpassé.

Eharial croisa le regard de l'elfe. Il n'aurait pas aimé devoir l'affronter lors de son adolescence, et maintenant il n'en voyait plus l'utilité. Ses yeux brillèrent un peu quand il pensa à ce changement radical. Un instant il hésita entre lui dire... ou garder ça pour lui. Il tira sur ses bras et passa ses jambes par-dessus la branches, s'allongeant à son tour, sa tête juste à côté de celle de l'ange.

-Eharial. Quand je me suis réveillé, c'est le premier nom qu'il m'ai venu à l'esprit. Lawilha, Rionnard n'a fait qu'une seule chose, c'est m'envoyer dans un endroit où j'ai pu sortir de ma prison d'adolescent. Je te raconterai tout. Mais pas aujourd'hui, c'est trop tôt. Tu ne comprendrai pas.

Il lui souria. Non pas qu'elle était idiote ou que c'était trop compliqué. C'est juste qu'il fallait avoir une vision des choses... différente, spéciale peut-être. Il resta un moment immobile, fixant Lawilha, puis il sauta à terre, se recevant à croupit. Il lança par-dessus son épaule:

-Crois moi Lawilha, tu ne comprendrais pas. Mais le changement n'a pas été radical.

En parlant, il se souvenait de tout, tout les combats qu'il avait mené, les quêtes qu'avec d'autres il avait chercher à accomplir, les exploits qui avait fait de lui, dans certains endroits, un héro... Il avait toujours était heureux. Il avait connu le bonheur... jusqu'à la quête des Dieux. Il y avait tout sacrifié. Il ne se souvenait que trop bien de la douleur lors de l'affrontement....

Lawilha se redressa à son tour. Elle vit Eharial commencer à s'éloigner. Elle s'envola de sa branche et atterit sur l'herbe verte juste devant lui. Elle replia ses ailes noires dans son dos, et elles prirent l'apparence d'une longues cape noire qui volait autour d'elle au grés du vent. Se plaçant devant Eharial sans agressivité, elle lui dit:

-Ne te moques pas de moi, Eherial. J'en sais beaucoup plus que tu ne peux le penser sur ton compte. J'étais là il y a cent ans. Et je t'ai suivi bien qu'avec une apparence différente de celle que tu me connais. Et lors de notre dernière aventure ensemble, celle dont tu n'as rien voulu me dire, ni à moi, ni à personne, je me suis sacrifiée pour toi, et j'ai bien failli y laisser la vie. N'ai-je pas le droit de savoir, maintenant?

Lawilha ne lui révéla pas qui elle avait été. Cette époque était tellement loin... Et elle avait tant changé. Rien n'était plus pâreil aujourd'hui. Elle n'était plus la compagne d'aventures de Eharial. Elle était l'elfe Lawilha. Un nouveau nom, une autre race. De nouveaux combats. Elle avait vécu tant de vie! Elle était déjà morte tant de fois. Et l'une d'entre elle avait été pour lui.

Toujours un sourire errant sur ses lèvres, l'elfe posa une main sur l'épaule de Lawilha. Comment être sûre que c'était bien elle? Il la fixa un long moment, son sourire s'aggrandit enfin... elle avait le même regard d'antan.
Il se souvenait du jour elle l'avait quitté. Le dragon à deux têtes demandait une proie, et même si ils avaient convenus que ce serait lui qui se sacrifirait, elle s'était jetée dans la gueule du monstre. Il en avait presque pleuré.

Pourtant il ne pouvait s'empêcher d'hésiter. C'était tellement plus grand que ce qu'elle pouvait penser. Tout le reste s'était passé si loin, ailleurs...
La petite clé d'or se mit à chauffer doucement contre sa peau alors qu'il regrettait déjà ce qu'il venait de quitté.

-C'est vrai tu étais là. Et quand tu n'y as plus été, tout le monde t'as amérement pleuré, ce que j'aurais fait si j'en avais eut le temps.

Il retira sa main de l'épaule de son amie. C'est vrai, il n'avait pas versé une larme. Parce qu'il savait qu'au fond de son coeur elle vivait. Dans sa mémoire elle vivait. Eharial passa sa main dans ses cheveux.

-Ce que nous avons vécu il y a cent ans fait parti de l'histoire. Sache que mon histoire est beaucoup plus longues que ces quelques années. Je suis resté jeune et pourtant j'ai vécu milles et une choses différentes.

Il perdit son sourire, effleura du bout du doigt la joue de Lawilha.

-Pardonne-moi de ne pas mieux pouvoir t'expliquer.

Il s'approcha d'elle et la serra doucement contre lui. Il était content de la retrouver, aprés avoir du abandonner tout ses autres amis. Bien sût ils l'attendaient là-bas, et ils vivraient de toute façon éternellement dans sa mémoire, mais ils n'étaient pas avec lui ici. Or elle, il l'avait considéré comme une petite soeur.
Il s'écarta d'elle, la tenant pas les épaules.

-Aprés, quand Rionnard et moi auront réglés nos comptes et que tu seras... que nous aurons enfin du temps, je te jure que je te raconterais tout. Non, ne râle pas. C'est vraiment long.

La clé arrêta de chauffer. Elle faisait partie de son secret. Mais il ne devait pas oublier: Lawilha n'était pas exactement semblable à ce qu'elle avait été. Et c'était surtout pour ça qu'il ne voulait pas lui parler du reste. Ses bras retombérent le longs de son corps, puis il les croisa.

-Et puis... je sais que ton coeur n'est plus vraiment le même.

Eharial regarda l'ange, désolé pour elle.

Lawilha lui rendit son étreinte, puis s'écartant de lui, elle lui sourit tendrement. Elle aurait aimé pouvoir évoquer le passé avec lui. Mais le passé était le passé. Elle même mort, il avait changé. La mort changeit toujours une personne. Malgré tout, à travers certains signes dans son aspect et se façon de se tenir, Lawilhe pouvait reconnaître celui qu'elle avait appelé "grand-frère" pendant plus de 10 années. Lawilha s'écarta de lui et se laissa noyer dans ses yeux comme elle le faisait autrefois.

-J'espère que lorsque tu auras fait ce que tu dois faire, tu te souviendras de moi. Je ne veux pas avoir péri tué par un dragon inutilement. Je l'ai fait pour toi, grand-frère.

Elle ôta alors un anneau qu'elle avait au doigt. Doré, gravé de nombreux signes. Elle le mit dans la main de Eharial et referma sa main dessus.

-Te souviens tu de ce cadeau? Je te la rend. Où que tu sois, si jamais tu as besoin de moi, appelle-moi. Je viendrais.

Eharial retourna l'anneau dans ses doigts. Il se souvenait du jour où il lui avait offerte. Elle était encore jeune. Plus qu'aujourd'hui. Elle avait rit, parce qu'à cette époque elle riait encore, et lui il avait sûrement rit aussi, parce que quand elle riait il riait aussi.
Non, le temps avait bien passé. Prés de cent ans. Cent ans où il était "mort".
Il passa l'anneau à son annulaire.

-Joins-moi téléphatiquement si tu as besoin d'aide.

L'épée vibra dans son dos, il esquissa un sourire.

-Viens, rejoignons les autres.

Il s'avança jusqu'à ce que son épaule frôle celle de Lawilha. L'épée recommença à vibrer, Eharial posa sa main sur la poignée et l'arme se calma.

Lawilha pencha la tête sur le côté, et acquiesa de la tête. Elle ferma les yeux, et retrouva son apparence de reine elfique, avec sa longue chevelure noire tombant sur ses épaules et sa magnifique robe bleue aux multiples cachettes pour les petites armes. Elle sourit à Eharial et lui prit le bras doucement.

-M'accorderas-tu une dernière fantaisie que la jeune Braise que j'ai été t'aurais certainement demandé?

Elle posa ses mains sur ses épaules et fit s'élever une douce musique.

-S'il te plaît, grand frère. Avant que nous repartions nous battre chacun de notre côté?

Elle lui fit un sourire charmeur.. Ce même sourire qui les faisait rire tous les deux autrefois.

Eharial plongea ses yeux noirs dans ceux de Lawilha. Ils savaient pertinament tout les deux que la jeune Braise n'existait que dans leurs souvenirs. Son épée vibra encore, manifestation muette de son désaccord. Il enleva sa main et la posa sur celle de l'elfe. Jouait-elle avec lui? Ou souhaitait-elle vraiment cette fantaisie?
Il tenta de déceler la vérité dans les prunelles dorée de la femme.

-Une dernière fantaisie, avant de commencer une nouvelle quête.

Le sourire de Braise le fit sourire, même si le visage n'était pas le sien.

Lorsque Eharial accepta, la musique se fit plus forte pour les entourer tous les deux. Ils étaient seuls au monde dans cet instant magique. Juste un frère et sa soeur unis dans leur coeur. Une dernière danse avant la séparation. Eharial guidait Lawilha, ou plutôt Braise. Car à cet instant, elle était Braise, la dryade souriante et coquine au sourire charmeur, et non plus Lawilha, l'elfe guerrière dure et sure d'elle. Ils tournoyaient ensemble, oubliant pour quelques minutes le reste du monde, la guerre, les quêtes, les problèmes, leur solitude. La musique se poursuivait. C'était une mélodie qu'il connaissaient tous les deux. C'était leur musique. La musique que Braise jouait quand elle avait rencontré Eharial dans la forêt. Ils la connaissaient tous les deux.
Leur paix d'esprit se poursuivit encore quelques minutes. On entendait qu'elle. Le vent et les chants mélodieux des oiseaux avaient disparus. Le crissement habituel de l'herbe s'était tu. Tout était calme.
Puis doucement, la musique s'éteignit complétement, pour faire place au silence. C'est seulement à ce moment que la nature reprit son chant. Mais il semblait terne à côté de la mélodie. Lawilha s'écarta de Eharial. Elle avait peur pour lui. Pour quelques minutes encore, elle était Braise. Alors elle laissa une larme couler le long de sa joue. Elle ne voulait pas qu'il parte. Elle souhaitait de toute son âme que sonn grand frère reste avec elle. Elle se détourna. Les larmes coulaient librement désormais. Mais elle ne voulait pas que son frère les voit. Il avait autre chose à faire que de s'occuper d'elle. Gardant un maximum de contrôle sur sa voix, mais lui tournant toujours le dos, elle dit simplement:

-Vas-y Eharial. Pars. C'est ton destin.

Eharial la regarda un instant. Il aurait aimé danser plus longtemps. Il fixa le dos de son amie, puis se détourna à son tour. Bien sûr il l'aimait beaucoup. Ils étaient comme les doigts de la mains. ET le temps n'avait aucunement effacer leur amitié. Mais il commençait à avoir l'habitude des séparations, et avait déjà trop pleurer gamin pour continuer alors qu'il était adulte.

-Le destin n'est qu'une idée romantique. Braise, je te l'ai toujours dis, c'est toi qui choisis la vie que tu veux.

Il s'éloigna en sifflotant l'air d'une vieille chanson.

Le roi devait l'attendre, sans même le savoir.

Après le départ de Eharial, Braise resta seule sous le couvert des arbres. Les larmes continuaient à couler le long de ses joues y laissant des marques fines. Braise s'avança vers un arbre et posa la main sur le tronc. C'était un vieux chêne, qui était là depuis plusieurs générations. Braise appuya sa main plus fortement, et commença à chanter d'une voix douce et claire. Elle chanta sa peine, sa joie, sa colère, sa haine, son défi. Ele se libéra de tous ce qu'elle avait sur le coeur. Elle aurait voulu que Eharial fut là. Mais maintenant... Maintenant? Une petite voix s'infiltra dans son esprit:

"Tu n'es plus Braise! Tu es Lawilha, .. Lawilha!"

Elle sursauta et cessa de chanter. Elle oublia Braise et redevint l'elfe des bois, Lawilha. Dure et fière. Elle se redressa. Plus une larme ne coulait. Elle n'avait pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Elle devait avancer, continuer sa vie. Et quand trop de gens la connaîtrait, elle devrait disparaître et devenir quelqu'un d'autre. Nombre de fois elle avait fait ça. Ses identités étaient multiples. Elle en avait tant qu'elle s'y perdait elle-même. Elle quitta l'ombre des arbres et retourna vers Alira et le roi.

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